Friday, August 1, 2008

Réflexion

Un premier post un peu plus sérieux aujourd'hui. Beaucoup plus sérieux, à vrai dire. Je peux pas toujours donner dans l'humour! ;)

Sérieux, donc. D'abord, je dois vous résumer une histoire que j'ai entendue. Vous savez, le genre d'une amie d'un ami du coloc de la voisine... Sauf que celle-ci est véritable. Je reste dans le vague, parce que je ne veux pas que l'on déduise de qui je parle. Une jeune femme, donc, qui se confie à une autre personne, et lui raconte des choses inquiétantes. Comme par exemple, la fois où son conjoint l'a retenue assise sur le divan de force pendant de longues minutes, en lui blessant le bras, la laissant se débattre alors qu'elle le supplie de la laisser partir parce qu'il lui fait vraiment mal. Ou la fois où ce même conjoint a répondu à un geste taquin par une poigne assez ferme pour en laisser une marque. Lorsque la jeune femme montre à son conjoint l'ecchymose provoquer par son geste, celui-ci admet qu'il voulait délibérément lui faire mal, mais qu'il ne pensait pas que ça laisserait une aussi large marque.

La personne qui entend cette histoire est troublée. La jeune femme lui demande conseil, et la personne lui dit qu'elle croit qu'il lui faut sortir de cette relation abusive avant que les choses tournent plus mal. À la mention de possible violence conjugale, la jeune femme se met en colère : "Ben voyons, pour qui tu me prends! Je le laisserais jamais me frapper! Je suis pas une fille de même!". Et voilà la jeune femme, méprisante, qui se met à dire que les femmes battues sont idiotes de rester dans leur situation. Qu'elles sont stupides de s'être fait avoir de même. Et elle réitère que ça ne lui arriverait pas, à elle.

C'est étrange. Étrange comment certaines personnes, et même certaines femmes, ont une conception assez simpliste de la violence conjugale.

Je sais que dans cette situation, on peut invoquer le principe parallèle de la personne qui est terriblement homophobe parce qu’elle n’accepte pas d’être “dans le placard”. Et c’est peut-être le cas. Mais j’ai l’impression que c’est autre chose.

On dirait que la vision de la violence conjugale dans notre société, c’est que c'est quelque chose de soudain. Un jour, ton conjoint est gentil, et le lendemain, il t’envoie à l’hôpital. Pas de transition, pas de subtilité. Un dérapage immédiat. Et tôt. Toujours au début de la relation. Et dans cette optique, c’est vrai que ça apparaît comme incompréhensible qu’une personne reste dans une relation où on lui envoie subitement, du jour au lendemain, après un mois de fréquentation, un coup de poing au visage. Je ne connais pas grand monde qui, plongé dans de l’eau bouillante, n’en sortirait pas d’un coup sec. Mais si au départ, l’eau est bonne et qu’elle se réchauffe tout doucement avant de devenir inconfortable, la transition se fait subtilement et souvent, on ne se rend même pas compte qu’on est dans l’eau chaude (excusez le double-sens) avant qu’il ne soit trop tard. La violence conjugale, c’est quelque chose de progressif, qui s’établit sournoisement, qui s’infiltre.

Un autre point qui est étrange aussi, c’est le concept de ce qui est de la violence, et ce qui n’en est pas (je n'aborderai ici que le cas de la violence physique, quoique je pourrais en dire tout aussi long sur la violence verbale et/ou psychologique [j'ai vue des femmes subir de la violence psychologique, et ce régulièrement, qui avait ce même mépris de la femme qui se fait battre sans quitter immédiatement son conjoint, et qui s'emportait quand on essayait de leur faire remarquer que ça n'était pas toujours aussi simple que ça puisque elles non plus, elles ne partaient pas malgré la douleur des humiliations répétées qu'elles subissaient : "Il me toucherait une seule fois et je m'en irais tout de suite!"]). Dans mon histoire, donc, la jeune femme ne considérait pas qu’être maintenue contre son gré sur un divan (jusqu’à en provoquer une blessure [légère, j’en conviens, mais tout de même une séquelle physique]) était de la violence conjugale. Et elle s’inquiétait à peine de l’admission de son conjoint qui disait qu’il voulait délibérément lui faire mal (mais juste un peu!). Comme si pour être de la violence, le geste devait obligatoirement être brutal. On en revient au coup de poing au visage, ou au bras cassé. Pas de sang, pas de violence.

Mais dans mon livre à moi, ce qui est arrivé à la jeune femme, c'est de la violence. On peut probablement dire que c’est encore au stade de l’éclosion, mais c’est peut-être le début de quelque chose qui pourrait facilement devenir encore plus grave. Alors il faut se méfier, il faut être vigilant, et surtout, il faut agir. Parce que justement, c’est trop souvent en commençant à tolérer des choses du genre que la violence s’insère et s’incruste. Et quand on est vraiment rendu au stade du bras cassé, et bien, ça fait généralement longtemps qu’on est avec le conjoint. On a peut-être des enfants, une maison, des projets. On est souvent aussi dépendant de l’autre, d’une certaine façon. Souvent financièrement. Parce que pour qu’il y ait de la violence, il faut qu’il y aille un débalancement du pouvoir. Pouvoir physique, pouvoir financier, pouvoir émotionnel...

Et puis, ça n’est pas toujours tout mauvais. Entre les manifestations de la violence, il y a souvent des périodes de lune de miel, ou le conjoint regrette son geste (sincèrement même, parfois) et où il veut reconquérir celle qu’il a blessé. Évidemment, en général, plus la situation devient grave, moins la lune de miel dure longtemps, mais bon... Et puis, il y a toute la question de l'amour, qui est en soi tellement plus complexe que le jeu de la marguerite (un peu, beaucoup, pas du tout...) et que je serais bien en mal d'expliquer. Quand on aime quelqu'un, on accepte, on pardonne, et dans une relation équilibré, c'est quelque chose de beau et d'important. Or, l'équilibre n'est pas conditionnel à l'amour. Ni la raison. Aussi, aimer quelqu'un qui nous fait mal, c'est autrement difficile, et c'est quelque chose qui est beaucoup trop profond pour que j'aie la prétention de dresser un portrait général de ce que c'est...

En fait, je n’ai pas l’intention de pousser plus avant la question la violence conjugale. Il me resterait encore tellement de facettes à explorer. Je n'ai même pas parlé de l'envers de la médaille, c'est à dire de la personne qui inflige la violence (ça non plus, ça n'est pas aussi simple que ce que l'on est souvent porté à croire). Mais je m'étale déjà depuis beaucoup trop longtemps et je ne vous ai même pas encore parlé du pourquoi de cette entrée, alors...

[Une petite note, tout de même, pour ceux qui seraient tenté de me reprocher de parler de la violence conjugale comme étant strictement une situation où un conjoint fait subir cette violence à une conjointe : je sais bien que les rôles peuvent être inversés, et que l'homme aussi se retrouve parfois pris dans ce genre de situation. Mais, statistiquement parlant à tout le moins, c'est généralement l'homme qui est violent dans un couple. Et j'essaie ici d'être générale, parce que je sais très bien que chaque situation de violence doit être visitée individuellement pour être correctement décortiquée, et que même si on peut établir des grandes lignes, il reste toujours des exceptions, des différences, des subtilités...]

Ce qui me fait vous parler de cette histoire, en fait, c’est que j’ai vu hier soir à la télé la fin d’une émission sur Rock “Moise” Thériault. Et sur le sujet des sectes. Je trouve qu’il y a un parallèle à faire entre les cas de violence conjugale et les sectes. D’abord, pour la situation comme telle (il s’agit encore là après tout d’un abus de pouvoir, d’une domination d’individu(s) par un ou plusieurs autres membres d’une micro-société), mais aussi pour la réaction que semble souvent avoir la société par rapport à la question. Je l’ai entendu souvent, cette remarque (le choix du vocabulaire varie, mais l’essence reste la même) : “Faut vraiment être inintelligent et naïf pour se laisser embarquer dans une secte”. Et souvent, on y ajoute aussi un méprisant : “En tout cas, moi je ne me laisserais pas avoir”. Ça vous dit quelque chose?

Encore là, on a le syndrome du “subito-presto”. Un jour, vous êtes libre, et le lendemain, vous vous suicidez collectivement. Et d’une certaine façon, c'est effectivement la même chose que mon exemple de violence conjugale, car effectivement, si la situation était véritablement comme ça, si du jour au lendemain un gourou débarquait chez vous pour vous amener dans le bois et vous enfermer dans une cabane où on vous interdisait tout contact avec vos proches ou même la société, il y a fort à parier que 99.9% d’entre vous crierait “stop!” et foutrait le camp o.p.c.! Les gens oublient souvent que les histoires de sectes abusives du genre se déroulent sur des années, et qu’au départ, avant que la situation ne devienne tordue, faire partie de la secte peut être quelque chose d’épanouissant. Après tout, pour l’être humain, c’est normal de vouloir faire partie d’une communauté de gens qui partagent les mêmes valeurs, les mêmes intérêts...

Et on peut trouver d’autre moment où on semble oublier que les choses ne se font pas instantanément. Comme par exemple, dans les histoires d’abus sexuels, entre autre, ou dans l’Histoire elle-même, avec le nazisme... Ça me trouble de voir à quel point on semble oublier la subtilité de ces problèmes. C'est comme si on n'arrivait pas à se défaire des clichés de l'âme perdue qui s'épanche naïvement sur le premier gourou venu, et qui n'a pas l'intelligence de se méfier, et de la femme battue qui est juste une peureuse qui n'est pas capable de mettre son pied à terre (ou pire encore, qui aime ça!). Et s'il vous plaît, par pitié, qu'on m'épargne l'horripilant cliché hollywoodien qui stipule que pour régler une situation de violence conjugale, il suffit de casser "ben comme faut" la gueule au gars violent pour qu'il ne recommence plus jamais à faire mal à sa femme!

Bref, ce que je veux dire ici, c’est d’abord qu’avant de porter un jugement sur quelque chose, il faut essayer de comprendre ce quelque chose et ne pas s’en tenir à la version noir ou blanc (Ah! Je pourrais en écrire long sur le gris!). Les choses sont souvent beaucoup plus complexes et autrement plus subtiles que ce que l’on discerne à première vue. Et les solutions miracles n'existent en général que dans le cinéma.

Mais surtout, je crois qu’il faut essayer de voir venir ces choses-là, et d’intervenir tôt. Que souvent, les premières manifestations d’une situation problématique sont petites. Et aussi, qu’armé de conceptions toutes faites de : “Faut être idiote!” ou “Faut être naïf” ou surtout de “Moi je ne me laisserais pas faire”, on perd de vue les subtilités de ces situations.

Bon... Faut pas tomber dans l’autre extrême non plus, et s’imaginer que dès qu’il arrive quelque chose de douteux, on assiste aux préliminaires d’une catastrophe, mais bon : être alerte est selon moi toujours une bonne chose.

Je peux au moins conclure en vous disant que la jeune femme de mon histoire n’est plus avec son conjoint. Malheureusement, ça n’est pas à cause d’une réflexion de sa part sur le comportement rapporté ci-haut par ledit conjoint, mais au moins, on aura pas la chance de voir s’il s’agissait effectivement d’une situation qui aurait pu déboucher sur quelque chose de tragique.

1 comment:

Anonymous said...

On appelle sa réaction du déni. Et c'est un genre de bloquage psychologique qui peut avoir plusieurs raisons: ne veut pas finir seule, ne veut pas perdre sa maison/ses biens, ne veut pas nuire à sa réputation/mal paraître (elle l'a quand même choisi son mec),ne veut pas perdre ses enfants, ne veut pas que d'autres soient blessés, etc. Alors, vaut mieux dire que ce n'est pas de la violence que d'avoir à affronter ses peurs. En tout cas, c'est, en partie, ce que je crois (parce que je ne vais pas écrire un roman! lol)